PARFOIS, IL FAUT OSER REGARDER LE MUR EN FACE.
Cela fait vingt ans que je suis enseignante.
Putain, vingt ans. Je ne me sens pourtant pas si vieille ! (No comment.)
Cela fait plusieurs années que ça coince. Que je ne m’y retrouve plus. La flamme sacrée de l’enseignant s’est affaiblie. (J’ai bien dit « flamme » ! Pas « flemme » ! Les enseignants sont souvent mécompris...) Tu penses bien, après vingt ans et un paquet de désillusions, la sensation de pouvoir changer le monde de ces petits êtres n’est plus là.
Dommage, me diras-tu. En effet… Je sais que je leur ai apporté énormément. Ils me l’ont d’ailleurs bien rendu.
Malheureusement, lorsque la flamme s’est éteinte, il est difficile de la rallumer. (On n’est pas à Koh Lanta, n’est-ce pas !)
ALORS, VOILA.
Cette année scolaire a été chamboulée.
Pour plusieurs raisons.
La première. (Sur laquelle on ne s’éternisera pas.)
Quelques gros dossiers avec mon ex, qui me fatiguent depuis plusieurs années. Je ne m’étais pas rendu compte à quel point cela m’empêche d’avancer. A quel point ça me pompe de l’énergie. Bientôt, je pourrai écrire ces phrases au passé. Le plus dur est fait, je crois. J’espère.
La seconde. (Le dossier du jour.)
Mon activité professionnelle.
Je finis le mois de juin 2018 en rampant. L’expression « à genoux » ne convient même plus. Plusieurs personnes m’avouent s’inquiéter pour moi. Je devrais vraiment considérer arrêter l’enseignement, me dit-on. Vu mon état au mois de juin, que va donner une année supplémentaire ? me demande-t-on. Je me dis, sans grande conviction, que oui, ils ont raison. Mais comment faire ? J’élève mon pilou seule, j’ai besoin de cette rentrée d’argent.
Mois d’août. Moment clé. Je bois un verre avec deux amies, enseignantes également. Elles évoquent le fait qu’elles vont bientôt aller dans leur classe pour préparer la rentrée, ce qu’elles vont mettre en place, etc.
Et d’un coup, je la sens très fort. Cette boule qui se forme dans ma gorge. Les larmes qui me montent aux yeux. J’ai beau essayer de me raisonner, de les ravaler, elles sont bien là, les larmes.
La réalité me frappe. Mais qu’est-ce que je suis en train de foutre ? Il est impossible pour moi de passer vingt ans de plus dans ce métier. Point.
Je finis par aller chez mon médecin (qui ne me voit pas souvent…), mal à l’aise. Bah oui, tant qu’on est debout, on continue, non ? Sans doute une sale habitude de maman solo. Il me dit que je suis bien gentille, mais qu’il va falloir que je me calme un peu (beaucoup). Tiens, c’est marrant, mon corps me dit la même chose. Bref. Je n’ai pas repris l’école en septembre. J’ai dû lever le pied (compliqué, quand on est une pile). J’ai tenté de faire le vide et d’y voir un peu plus clair (c'est pas encore gagné).
Mois de mai. Date butoir du 15. Toutes les demandes de changements professionnels doivent être posées pour cette date.
CE QUI NOUS RAMÈNE AU FAMEUX MUR.
Cela fait quelques années que je tente de le contourner. De chercher une faille. De creuser un tunnel en-dessous. De chercher des excuses afin de ne pas passer de l’autre côté. (Qui nous dit qu’ils ont tous disparu, les Marcheurs Blancs, hein ?!? T’as envie d’en rencontrer un au détour d’un sentier, toi ??)
Mais j’ai fini par lever la tête, et j’ai pris le temps de le regarder. Je l’ai vu pour de vrai.
Le mur.
Parce qu’il est bien là, à présent. Haut. Large. Épais.
Et j’ai décidé d’y faire face.
De poser ma demande pour une pause carrière.
D’arrêter l’enseignement à partir de septembre 2019.
Courageuse décision ou grosse connerie, l’avenir me le dira.
Ça me fait flipper car oui, j’ai des projets à côté, mais avec lesquels je suis loin de gagner ma vie à l'heure où j'écris ces lignes.
J’ai refait mon CV. (Purée, comment on fait ça encore ??) Commencé les recherches.
Commencé à escalader mon mur.
J’espère juste qu’il ne sera pas trop haut.
Que je ne vais pas trop me casser la gueule.
Et surtout, qu’il y aura quelque chose de sympa, de l’autre côté…
Comments